EDF DES STRATÉGIES QUI CREUSENT LES ÉCARTS
Avec la chute du prix du lait, les éleveurs du réseau EDF se concentrent sur leurs coûts de production. Et la hausse des livraisons constitue un levier pour les réduire.
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LES ÉLEVEURS DU RÉSEAU EUROPEAN DAIRY FARMERS se sont retrouvés à la Baule fin juin à l'occasion de leur congrès annuel. Comme toujours, l'analyse des résultats économiques représente un temps fort de ce rendez-vous. Steffi Wille-Sonk, responsable de l'équipe scientifique d'EDF, se charge d'exploiter les résultats économiques des membres. EDF appuie ses réflexions sur le calcul du coût de production et du prix d'équilibre du lait. Cette année, l'analyse des chiffres est plus affectée encore que d'habitude par les périodes d'exercice. Un trimestre de décalage peut peser lourd sur les recettes du fait de la chute des prix. Cet élément complique les comparaisons. Il faut souligner aussi que les groupes ne sont pas représentatifs de leurs pays. On constate que les écarts de prix du lait sont relativement importants d'un pays à l'autre et d'un industriel à un autre. Au moment du congrès, les Allemands du Nord ne touchaient que 200 €/t quand les Irlandais percevaient 220 € et les Français 270 €. Le Royaume-Uni est à part du fait des contrats tripartites entre producteurs, industriels et distributeurs. Ceux qui en bénéficient, environ 30 %, sont protégés de la volatilité et percevaient 350 € en ce début d'été. Pour les autres, le prix dépassait à peine 200 €. Ce déséquilibre n'est pas sans créer des tensions entre éleveurs.
LE PRIX D'ÉQUILIBRE MÉDIAN À 373 €/T
En matière de point d'équilibre, les écarts sont également importants entre les différents pays. Il s'agit du prix permettant de couvrir l'ensemble des charges, y compris la rémunération du travail familial, des terres et des capitaux. Les éventuelles subventions sont prises en compte, mais pas les primes Pac. EDF considère que les exploitations doivent être rentables sans ces aides.
Le prix d'équilibre médian s'établit à 373 €/t, ce qui signifie que la moitié des élevages est au-dessus et l'autre moitié en dessous. Ce sont les Irlandais qui se placent le mieux en termes de rentabilité, suivis des Allemands. Français et Danois sont parmi les derniers.
Dans le contexte de crise, EDF a aussi interrogé ses membres pour savoir quelles étaient leurs priorités. Partout, la réduction du coût de production est arrivée en tête. Sauf en France ! Steffi Wille-Sonk a donc comparé les prix d'équilibre des groupes sur les deux derniers exercices pour voir dans quelle mesure les éleveurs ont effectivement agi sur leurs charges. Il s'avère que certains ont fait de réels progrès : Irlandais, Danois, Belges et Suèdois. Aujourd'hui, les Irlandais dépassent à peine les 200 €/t en prix d'équilibre. Ils ont joué sur l'agrandissement des troupeaux et l'augmentation de la productivité par vache. Les conditions climatiques les ont également aidés.
Les Danois ont eux aussi misé sur la performance par vache, passée de 10 450 à 10 970 kg. La tendance est la même en Belgique. Et les éleveurs de ces trois pays ont clairement profité de la fin des quotas pour augmenter leurs livraisons avec un impact positif sur leur coût de production. « Pour d'autres pays (Pays-Bas, Allemagne et France), les clôtures comptables dont nous disposons ne couvrent pas un exercice entier sans quota. Il est donc logique que ces tendances n'apparaissent pas aussi nettement », précise Steffi Wille-Sonk. On observe une stabilité du prix d'équilibre en France et aux Pays-Bas. Mais les écarts de performances entre les exploitations se creusent. Les Allemands ont légèrement réduit leur prix d'équilibre. Les coûts de production progressent au Royaume-Uni, mais cela s'explique essentiellement par les taux de change. Steffi Wille-Sonk a regardé cette année dans quelle mesure les éleveurs arrivent à couvrir leurs charges sur le dernier exercice, en cherchant à évaluer l'effet de la taille des élevages. Ce travail porte sur les principaux pays, à l'exclusion du Danemark dont la situation est trop particulière. Il s'avère que les petites exploitations (moins de 70 vaches) ont besoin d'un prix du lait supérieur pour couvrir leurs charges. Les grosses (plus de 350 vaches) ont des coûts de production inférieurs. En revanche, le prix du lait nécessaire pour couvrir les coûts directs est bien inférieur sur les petits élevages. Cependant, il reste à payer les intérêts des prêts et les annuités avant de rémunérer le travail familial.
LA GESTION FINANCIÈRE DEVIENT CRUCIALE
Si le prix s'établissait durablement à 250 €/t, les « petits » auraient beaucoup de mal à rémunérer correctement leur travail alors que les « moyens » y parviennent. En revanche, les « gros » rencontrent d'importantes difficultés pour avoir un revenu positif après avoir remboursé leurs prêts. Les petites exploitations sont peut-être plus durables, capables de se serrer la ceinture dans les mauvaises années. Ou alors elles ont recours à un autre revenu (autre production, salaire extérieur) pour s'en sortir.
Mais si les « gros » souffrent à 250 €, ils disposent de réserves car ils ont gagné bien plus d'argent durant les périodes de prix plus élevés et ont une bonne efficacité technique. Ils ont besoin du soutien des banques pour passer le cap, mais ils ont des arguments pour l'obtenir. « Pour ces grandes exploitations, le problème n'est pas le prix du lait, c'est l'importance des dettes », souligne Steffi Wille-Sonk. Au Danemark, la situation est claire. Le niveau d'endettement crée une énorme dépendance vis-à-vis des banques. Ce sont elles qui décident. La situation n'est pas aussi extrême ailleurs, mais il y a un risque. Les Néerlandais, par exemple, ont tendance à réinvestir dès qu'ils en ont les moyens, pour réduire leur imposition. Sans doute devraient-ils aussi baisser leur taux d'endettement.
En moyenne, un tiers des éleveurs du réseau a utilisé les résultats bénéficiaires précédents pour constituer des réserves. 70 % ont investi pour s'agrandir ou pour améliorer leur efficacité. « Il faut vous interroger sur la part de votre ferme qui vous appartient, poursuit Steffi Wille-Sonk. Grandir n'est pas suffisant. Il faut consolider si l'on veut rester maître de ses décisions. »
PASCALE LE CANN
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